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Ghibli : jusqu’au bout de l’exigence

Fondé en 1985 suite au succès de Nausicaä, Ghibli s’est imposé en un quart de siècle à travers des œuvres d’une qualité technique et artistique hors du commun. Retour sur une épopée qui n’est pas près de s’arrêter.

Grâce à Toshio Suzuki, alors rédacteur en chef d’Animage, l’éditeur Tokuma Shoten accepte de financer le studio Ghibli, qui devient l’une de ses filiales. Si Miyazaki et Takahata en sont les fondateurs, c’est bien Suzuki le patron. Nommé d’après un vent chaud du désert, le studio Ghibli dévoile sa première production en 1986 au cinéma : Laputa, le château dans le ciel.

Les sentiers de la gloire

Un peu moins de 800 000 Japonais vont voir le long métrage réalisé par Miyazaki, qui remporte un joli succès d’estime pour une première production, d’autant que le cinéma d’animation des années 80 au Japon n’est pas encore ultra populaire. Quand Toshio Suzuki présente à Tokuma le projet de Totoro, ceux-ci sont rejetés. Heureusement, le producteur se tourne vers  Shinchôsa, autre éditeur de poids, et leur propose d’adapter Le Tombeau des Lucioles. Suzuki espère sortir conjointement les deux films (chacun d’une durée maximale de 60 minutes), et parie sur l’attrait pédagogique du Tombeau des Lucioles pour attirer les scolaires… qui profiteront ensuite deTotoro. Tokuma s’engouffre dans la brèche une fois que Shinchôsa a donné son accord, et Ghibli se retrouve à plancher sur deux films simultanément.

Le 16 avril 1988, ce sont deux longs métrages qui sortent enfin en salles, fruit du travail d’une équipe épuisée et en proie au stress : qu’un seul des deux films ne remporte pas le succès et c’en est fini de Ghibli, le studio réinjectant tous les bénéfices des anciennes productions dans les titres à venir. Heureusement, la qualité du Tombeau des Lucioles(Takahata) et de Totoro (Miyazaki) leur assure de nombreuses récompenses, et le succès ira grandissant, même des années après. Il faudra attendre 1990 pour voir les premiers goodies Totoro, créés pour répondre à une demande de plus en plus forte du public. Le gentil monstre sylvestre devient bien vite la mascotte du studio.

Kiki la petite sorcière, sorti en 1989, vient, selon la légende, d’une journée passée par Miyazaki à étudier et dessiner le mouvement des jupes des passantes. C’est le premier succès du studio avec plus de deux millions et demi de spectateurs. Grâce à la direction de Suzuki, ses bénéfices et ceux d’Omoide Poroporo, sorti en 1991, servent à la construction de nouveaux locaux et à soigner l’équipe de production (nouveaux postes à pourvoir, salaires doublés…).

En 1992, les nouveaux studios Ghibli sont terminés en même temps que Porco Rosso, premier film de Miyazaki à avoir les honneurs d’une sortie en France. Là encore, le succès est au rendez-vous, et garantit la pérennité du studio qui a encore de nombreux projets en réserve.

Entrer dans la lumière

Umi ga kikoeru (Tu peux entendre l’océan) sort ainsi en 1993… sur les petits écrans. Cet unique téléfilm de l’histoire du studio permet à Ghibli de tester ses compétences sur une production à budget moindre, et surtout de confier le poste de réalisateur à Tomomi Mochizuki. Miyazaki et Takahata sentent en effet le poids des années, leur rythme de travail épuisant n’ayant pas ménagé leurs organismes : il est temps d’assurer la relève.

Après Pompoko, sorti en 1994 et dans lequel Takahata intègre pour la première fois des images de synthèse, Mimi o sumaseba (Si tu tends l’oreille) enchante les spectateurs nippons. A la réalisation, Yoshifumi Kondô confirme son statut de dauphin prêt à succéder à Miyazaki et Takahata grâce à l’adaptation de ce shôjo manga. Une succession validée par le père de Totoroqui réalise le clip On your mark sur une chanson de Chage & Aska, diffusé en première partie deMimi o sumaseba.

1997 est l’année de la consécration mondiale pour le studio, avec Princesse Mononoké, encensé par la critique et plébiscité par les spectateurs étrangers qui découvrent une nouvelle facette de l’animation japonaise, poétique et qualitative. Cet impact planétaire vient d’un partenariat signé entre Tokuma et Disney, la firme américaine distribuant désormais le catalogue Ghibli sur tous les continents sauf l’Asie.

L’ascension folle du studio semble inarrêtable, jusqu’à ce que le destin frappe. Epuisé par la production de Princesse Mononoké dont il dirige l’animation, Yoshifumi Kondô décède d’une rupture d’anévrisme en 1998, à 47 ans. Le choc est tel pour Miyazaki, laminé par Mononoké, que celui-ci annonce sa retraite. Et il faut à nouveau trouver un successeur.

A la recherche de la nouvelle star

En 1999 sort Nos voisins les Yamada, inspiré par une série deyonkoma (gags en quatre cases) publiés dans un quotidien national. Le film de Takahata, sous ses allures simplistes respectant le trait du manga d’origine, dissimule une complexité technique qui impressionne les professionnels. C’est le dernier film en date réalisé par Takahata, dont on attend avec impatience Taketori no monogatari (Le conte du coupeur de bambou), adaptation d’un conte traditionnel japonais.

Le début du XXIe siècle est donc marqué par une régularité inédite chez Ghibli, qui alterne les réalisations de Miyazaki (Le voyage de Chihiro en 2001, Le château ambulant en 2004, Ponyo sur la falaise en 2008) et premières réalisations. Le Royaume des chats, suite de Mimi o Sumaseba, sort en 2002 sous la direction de Hiroyuki Morita ; Goro Miyazaki, fils de Hayao, adapte Les contes de Terremer d’Ursula le Guin en 2006 et c’est en 2010 que sort Arrietty. Son réalisateur, Hiromasa Yonebayashi, semble être désigné comme le futur repreneur du studio, tant sa maîtrise de l’animation éblouit le film.

L’activité du studio ne se limite pas pour autant au cinéma puisqu’en 2001 ouvre à Mitaka un musée Ghibli ! Ludique, didactique et écologique, le spectateur peut y apprendre les bases de l’animation grâce à différents zootropes et autres praxinoscopes reprenant des personnages du studio, découvrir des courts métrages projetés exclusivement dans le bâtiment, et surtout se perdre dans le dédale labyrinthique prémédité, entre une peluche géante de chat-bus (que pour les enfants) et le bureau de travail de Miyazaki reconstitué au cendrier près.

Les années à venir vont marquer un tournant important pour Ghibli. Ses réalisateurs iconiques voient peu à peu leur santé décliner, Takahata planche depuis des années sur son prochain projet et Miyazaki envisage une suite à Porco Rosso. L’avenir est donc dans les forces vives des animateurs travaillant aux studios, qui vont devoir soutenir Ghibli de leurs projets tout en se débarrassant de la réputation de leurs aînés. Goro Miyazaki sera le tout premier de ces jeunes talents à réaliser un deuxième film, Kokuriko zara kara.